La ferme de Moyembrie : Un sas pour la réinsertion

La ferme de Moyembrie, située au nord de Soissons dans l’Aisne, propose un « placement extérieur » pour les détenus depuis 2004. Il s’agit d’une mesure d’aménagement de peine qui permet aux personnes condamnées d’exécuter leur peine en dehors de la prison, avec une prise en charge par une association qui les encadre et, le plus souvent, les héberge.

Julie Subitte (rédaction et édition)

Unique dans les Hauts-de-France et l’une des seules associations semblable en France. La ferme de Moyembrie accueille au maximum 20 hommes sous écrou en fin de peine. L’objectif ? Préparer leur sortie de détention. Ils sont une cinquantaine à passer, ainsi tous les ans par la ferme. Au total, ils sont plus de 500 personnes à y être passées. « Ils restent souvent entre six mois et 1 an. La moyenne est de 9 mois, ce qui permet un turn-over », souligne Eric De Villeroché, ex co-président de l’association de la ferme de Moyembrie. Au milieu des champs, les condamnés se retrouvent dans un cadre qui leur ouvre de nouvelles perspectives, un espace pensé pour prévenir la récidive.

« Ils apprennent un travail porteur de sens« 

Différents types de travaux agricoles sont proposés aux pensionnaires : maraîchage, élevage de chèvres et de poules pondeuses, fabrication de fromages et de yaourts, entretien des bâtiments, des véhicules et des machines, et cuisine. Neuf personnes sont employées par la ferme pour les encadrer, sans compter les quelques bénévoles. « À la ferme, ils apprennent un travail porteur de sens » qui a pour but de les reconnecter à la nature et à la vie en extérieur.

« Ces hommes ont payé leur faute, maintenant la société doit les aider à se reconstruire pour qu’ils soient bien intégrés et qu’ils aient une vie normale.« 

Eric De Villeroché

Chaque résident dispose d’un vrai contrat de travail avec les mêmes droits que tout travailleur. « Ils ont un salaire qui tient compte du SMIC, ils cotisent à la sécurité sociale, pour leur retraite, le chômage. » La ferme organise des élections pour élire les délégués du personnel et des assemblées générales sont prévues toutes les semaines. Les résidents travaillent 22 heures par semaine, essentiellement le matin, « sauf ceux qui s’occupent des chèvres, car ils faut les traire, mais leurs horaires sont aménagés. » L’après-midi, des activités sont organisées pour anticiper l’insertion : trouver un logement ou un hébergement, faire des formations, refaire sa carte d’identité. « Ces hommes ont payé leur faute, maintenant la société doit les aider à se reconstruire pour qu’ils soient bien intégrés et qu’ils aient une vie normale.« 

Le placement à l’extérieur, une mesure phare pour lutter contre la récidive 

La ferme n’a pas vocation à employer par la suite ses résidents (même s’il y a eu quelques exceptions). En revanche, la ferme les oblige à rester tant qu’ils n’ont pas de solution d’hébergement, même si leur peine est terminée. Selon Eric De Villeroché, « la ferme est un sas, un passage entre la prison et la vie normale. » Au sein de la ferme, chaque résident possède une chambre individuelle, ce qui lui permet de retrouver son intimité. Il peut également recevoir sa famille, le week-end et les jours fériés. 

Concernant l’insertion, l’objectif de la ferme est que les résidents retrouvent une estime d’eux-mêmes et qu’ils élaborent un projet professionnel. « L’un des piliers de la ferme, c’est le vivre ensemble. Selon nous, c’est ce qui garantit un accompagnement social qui ne se fasse pas uniquement derrière un bureau.« 

Après un passage à la ferme, le taux de récidive est de 5 %, un chiffre bien en dessous de la moyenne nationale. Les derniers chiffres datent de 2016 : 31 % des personnes sorties de prison ont été à nouveau condamnées pour une infraction commise dans les douze mois qui ont suivi leur libération. Au vu de ces chiffres, Eric De Villeroché, ne comprend pas « qu’il n’y ait pas plus de place en placement extérieur… Et que toutes les places ne soient pas occupées. » D’autant plus qu’une journée à la ferme coûte 35 euros, soit trois fois moins cher qu’une journée en prison. 

Pour rejoindre la structure, le détenu doit en parler avec son CPIP (Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) et écrire une lettre directement à la ferme. Si les deux parties sont d’accord, une permission de sortie est accordée le temps d’une journée de visite. À l’issue de cette journée, l’équipe encadrante de la ferme statute sur l’admission du détenu. En cas de réponse positive, le détenu doit effectuer une demande de « placement extérieur » au juge d’application des peines.

Vidéo réalisée par Solidarum