Au tribunal de Lille, le juge Ludovic Duprey préside la 6e chambre correctionnelle et ses deux audiences hebdomadaires. Pour lui, la prison est au sommet de la pyramide des peines. Mais avant d’accorder sa confiance au prévenu, il lui demande des preuves.
Bing Qu (Rédaction), Julie Subitte (Edition)
Dans son bureau au palais de justice de Lille, éclairé par la lueur tamisée d’une lampe, le juge Ludovic Duprey travaille souvent tard dans la nuit. Autour de lui, des piles de dossiers s’empilent, témoignant de la complexité de son travail. Il se plonge dans la lecture des affaires et prépare l’audience du lendemain.
Juger n’est pas une décision facile ni anodine, en tant que magistrat, Ludovic Duprey observe : « L’hésitation fait partie de notre métier. »
La gravité des faits est toujours le critère numéro 1 pour déterminer la peine. Ensuite, au cours de l’instruction du dossier à l’audience, Ludovic Duperey examine généralement les éléments de personnalité. « C’est ce qu’on appelle les garanties de représentation, qui conditionnent la confiance qu’on va avoir dans la personne pour qu’elle réponde de ses actes et qu’elle réponde aux différentes convocations du jugement, c’est très social. La peine va dépendre du casier judiciaire, du fait que la personne a une adresse. »
L’histoire individuelle et les détails de la vie des délinquants permettent ainsi au juge de mieux évaluer le risque de récidive. « On examine les garanties professionnelles. Parce que c’est sûr. Face à quelqu’un qui travaille tous les jours, on a moins matière à penser qu’il va tout quitter pour se soustraire. »
Ludovic Duprey évoque ensuite une échelle des peines prévue par la loi : « Un homme qui fait un délit routier sans victime. La première fois, il aura du sursis simple. La deuxième fois, un sursis probatoire. La troisième fois, un travail d’intérêt général. » Si les alternatives à l’incarcération ne sont pas respectées, le dernier échelon sera inévitablement la prison.
La prison est ainsi considérée comme « le sommet de la pyramide des peines. » Les peines alternatives se situent en dessous, mais peuvent être sévères. « Le bracelet électronique fait qu’on peut condamner sans incarcérer, mais c’est déjà une condamnation très lourde. » Il y a aussi des peines complémentaires qui portent potentiellement une assez forte atteinte aux droits et à la liberté de la personne, telles que l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de rencontrer la victime, l’interdiction de sortir du territoire national.
« Le juge n’est pas là pour pardonner aux gens, il doit évaluer la capacité de la personne en face de lui à se remettre en question et à changer son comportement. » Avant de redonner une chance au prévenu d’éviter la prison, le juge a besoin de preuves pour faire confiance.
Pour Ludovic Duprey, la mission de juge est de préserver la société de certains comportements. « Notre métier, c’est d’exprimer le niveau de désapprobation sociale d’un comportement. » Toutefois, cela pose également des défis. « Cela nous oblige à être connecté à la société, parce que nous ne pouvons pas juger dans notre coin sans tenir compte de l’évolution de la société et parfois nous sommes un peu embarqués dans ces mouvements de société. »
Ludovic Duprey évoque aussi le changement des attentes par rapport à certains faits délictuels ou criminels. Aussi la violence conjugale n’est plus tolérée dans notre société. À la campagne, c’est plus répressif pour les cambriolages. « Actuellement, dans les petites communes, les gens réclament que les cambrioleurs aillent en prison. Le juge doit non seulement entendre la voix du peuple français mais aussi garder son impartialité judiciaire.«
Le 26 octobre, un homme a été condamné à dix-huit mois de prison pour violence conjugale. Les juges sont allés au-delà des réquisitions du parquet. Ludovic Duprey explique cette décision : « C’est un prévenu qui était jugé en récidive. Il avait épuisé toute la confiance qu’on pouvait lui faire. À l’audience, il n’a pas bien répondu aux questions. De plus, il a regardé plusieurs fois sa compagne d’une façon menaçante, alors que je lui ai dit d’arrêter. Auparavant, on avait déjà essayé toutes sortes de peines. »
Dans son rôle de juge, Ludovic Duperey reconnaît les défis complexes auxquels il est confronté, mais il cherche toujours à rendre des jugements justes et équitables. C’est avec cette conviction qu’il continue d’exercer son métier et qu’il demeure attaché à son devoir d’impartialité et à sa responsabilité envers la justice et la société.