Le juge Mikael Simoens : « La situation de récidive est un critère important»

Chaque lundi, le juge Mikael Simoens préside l’audience de comparution immédiate. Il favorise les peines alternatives tout en reconnaissant la nécessité de rénover les prisons pour régler la surpopulation carcérale et garantir des conditions de détention humaines.

Bing Qu (Rédaction), Julie Subitte (Edition)

« Vous habitez où ? Vous avez des activités professionnelles ? Vous êtes marié ? Vous avez un enfant ? » Dans la salle F du palais de justice de Lille, une salle dédiée spécialement aux comparutions immédiates, la voix du juge résonne solennellement.

L’audience commence souvent par une série des questions sur la vie personnelle sociale des prévenus. Mikael Simoens est juge depuis 23 ans et président de la 7 e chambre correctionnelle de Lille. Avant chaque audience, il étudie tous les dossiers. Mais il posera une multitude de questions au prévenu. Parce que ses assesseurs ne connaissent pas l’affaire. Parce qu’il veut en savoir le plus possible sur la personnalité de la personne jugée.

Mikael Simoens, président de la 7e chambre correctionnelle à Lille.

Toutes les questions que pose le juge comptent pour la condamnation. Néanmoins, le premier élément dans l’esprit du juge est toujours la gravité des faits : « On privilégie l’infraction pour savoir quelle peine prononcer. Un trafic de cinq kilos de stupéfiants est sans doute beaucoup plus grave que le vol de cinq ordinateurs. » Mikael Simoens ajoute : « Il y a un barème des condamnations pénales. »

La gravité des faits se fonde sur les faits et aussi sur les antécédents judiciaires du prévenu. Si un homme vole un paquet de chewing-gum dans un magasin, il peut être malgré tout condamné à une peine de prison. « Un paquet de chewing-gum vaut seulement 3 euros, mais si cet homme a volé vingt fois, trente fois ? C’est assez grave. Car le critère important, c’est la situation de récidive« , insiste le juge. Il est ainsi indispensable de consulter les précédentes condamnations sur le casier judiciaire.

Pour les peines alternatives, il existe aussi d’autres critères, notamment par rapport au comportement des personnes jugées. Pour ceux qui ne sont pas déférés en comparution immédiate, l’attitude entre l’arrestation et le jugement sont importants. « On voit que vous avez trouvé un travail, vous êtes marié, vous avez arrêté de consommer de la drogue. Tout ça, ce sont des éléments positifs pour déterminer la peine« , précise Mikael Simoens. Les regrets, la remise en question à l’audience du tribunal comptent également.

Le prévenu a le droit de se taire, c’est la loi mais le refus de s’expliquer est souvent mal perçu. Mikael Simoens a rencontré un prévenu « mystérieux » en décembre 2023.

« C’est un homme qui a été arrêté à la fin d’une enquête pour trafic de drogue. En perquisition chez lui et dans un garage, les policiers ont trouvé cinq kilos de cocaïne, ce qui vaut près de 350 000 euros. J’aurais bien aimé avoir des explications. Travaillait-il pour lui-même ou pour d’autres ? Pourquoi avait-il une telle quantité de cocaïne chez lui ? Mais le prévenu n’a rien dit. Il s’est seulement plaint des conditions de détention provisoire en expliquant qu’il aimerait ressortir. »

Mikael Simoens, président de la 7e chambre correctionnelle à Lille.

L’homme avait été condamné deux fois pour d’autres types d’infractions. Même si le prévenu a indiqué qu’il avait travaillé comme plombier, Mikael Simoens explique qu’on peut se demander quel est son vrai travail entre installer du chauffage ou vendre la drogue. Vu qu’il garde le silence, Mikael Simoens a estimé qu’il pouvait recommencer. L’homme a été condamné à quatre ans de prison.

Cependant, Mikael Simoens considère la prison comme la dernière solution. Pour lui, le rôle des juges est de redonner une chance aux délinquants. Une chance de se réinsérer, une chance de trouver du travail, une chance de vivre comme tout le monde. Mais ceux qui ne saisissent pas cette chance vont incontestablement aller en prison.

« La prison, c’est affreux. » Mikael Simoens reconnait que le surpeuplement des établissements pénitentiaires encourage un peu les peines alternatives et qu’il faut rénover les prisons et en construire de nouvelles. « La peine, c’est l’emprisonnement. Cela ne doit pas être enfermer les gens dans des conditions atroces.«