Antoine Chaudey, avocat : « Les dispositifs existent mais on préfère construire de nouveaux centres pénitentiaires »

En France, l’augmentation des peines fermes avec mandat de dépôt engendre une surpopulation alarmante dans les prisons. Antoine Chaudey, avocat lillois qui a présidé le Syndicat des Avocats de France (SAF), critique le système pénitentiaire français et plaide en faveur des peines alternatives.

Léa Fanelli (Rédaction), Julie Subitte (Edition)

« En France, on incarcère davantage« , alerte Antoine Chaudey. Selon un rapport d’octobre 2023, la France se classe parmi les dix pays européens où la population carcérale est en croissance, contrairement au Royaume-Uni, à l’Italie et à l’Allemagne qui connaissent des diminutions significatives.

« Les prisons accueillent un grand nombre de détenus marqués par des fragilités sociales« , affirme l’avocat lillois. L’ex président du Syndicat des Avocats de France (SAF) souligne la prédominance de personnes non-scolarisées, issues de milieux défavorisés, souvent des étrangers incarcérés pour des délits parfois mineurs. « Les crimes ne représentent qu’une infime partie« , dénonce Antoine Chaudey. Pour désengorger les prisons, il plaide en faveur de peines alternatives telles que les bracelets électroniques et le travail d’intérêt général.

D’après les données fournies par le Ministère de la Justice, les prisons françaises sont confrontées à un phénomène quasi-chronique de surpopulation. En effet, depuis 1990, le taux d’occupation n’a chuté en dessous de 100% qu’une seule fois. Cet événement exceptionnel s’est produit en 2001, lorsque le tauxd’occupation des établissements pénitentiaires français est brièvement descendu à 98,4%. Ces statistiques mettent en évidence les défis persistants auxquels est confronté le système carcéral français en termes de capacité et de gestion des détenus.

« On préfère construire de nouveaux bâtiments pénitentiaires »

« Je suis très pessimiste« , déclare Antoine Chaudey, dénonçant une mauvaise utilisation des fonds. « En
théorie, les dispositifs existent, mais on préfère construire de nouveaux bâtiments pénitentiaires
« , affirme-t-il.

L’avocat cite pour exemple « alarmant » le choix du plan 15 000 places de prison qu’il est prévu de construire
d’ici 2027 pour résorber la surpopulation carcérale.

Ce plan a été défini par le ministère de la Justice comme « le programme immobilier pénitentiaire le plus
ambitieux depuis 30 ans
. » Il est fortement critiqué par l’avocat qui soutient l’idée que le meilleur moyen de
réduire la surpopulation carcérale est de financer les peines alternatives pour les détenus ayant commis
des petits délits.

« Les juges ont une part de responsabilité« 

« Les juges ont une part de responsabilité. Certains prononcent une incarcérations systématique sans même
se poser la question d’une peine alternative. »
Pour l’avocat une approche plus nuancée serait intéressante
notamment pour les mineurs et les auteurs des délits non violents. Cette approche permettrait non
seulement de soulager la pression exercée sur les infrastructures carcérales, mais aussi de réduire les coûts
liés à la détention et de réallouer les ressources vers des initiatives de prévention et réhabilitation.

Les peines alternatives, observe Me Chaudey, offrent également une approche individualisée avec la prise
en compte de l’historique personnel, les facteurs de risque et les mesures de soin et d’insertion des
individus. De plus, ces mesures sont souvent perçues comme étant plus efficaces que l’emprisonnement
traditionnel pour réduire les taux de récidive. En offrant aux individus des opportunités de changer leur comportement et de développer de nouvelles compétences, ces programmes peuvent contribuer à briser
le cycle de la criminalité et à favoriser une société plus sûre et plus inclusive pour tous ses membres.